Une brève histoire de l’Antiquité à aujourd’hui sur les observations menées par des femmes astronomes
1. Enheduanna, de Babylone
Il y a plus de 4400 ans, à Babylone en Mésopotamie — aujourd’hui l’Irak dans les environs de Bagdad, Enheduanna fut nommée “Grande prêtresse de la déesse de la Lune dans la ville” (High Priestess of the Moon goddess in the City), un rôle de haut prestige dans cette civilisation qui consistait, entres autres, à étudier le mouvement des corps célestes. Avec ses collègues de l’empire Akkadian, en collaboration avec les autres prêtes, elle avait établi un réseau d’observatoires pour mieux comprendre les étoiles. Les Babyloniens sont probablement les premiers à avoir créé un catalogue d’étoiles. Ils étudiaient les positions des planètes dans un cadre où les étoiles sont fixes, pensaient-ils, car elles semblent ne pas bouger.
À cette époque, les femmes avaient la chance de décrocher une position sociale élevée, ayant de l’autonomie et pouvant faire des activités commerciales, et même devenir juge.
En Grèce, environ 4000 ans après Enheduanna, les astronomes procédaient à des observations systématiques qui ont conduit aux premiers catalogues d’étoiles “modernes”, avec plus de 1000 étoiles. Les arabes ont ensuite perfectionné les instruments des Grecs et sont demeurés les plus justes pour plusieurs siècles. L’héritage des arabes est omniprésent encore aujourd’hui, tel que des noms d’étoiles, par exemple Aldebaran. Ils nous ont légué également une tonne de littérature sur l’astronomie.
2. Sophie Brahe, du Danemark
À notre ère, il y a environ 450 ans, Sophie Brahe travaillait en collaboration avec son frère, le célèbre astronome Tycho Brahe, et ce, dès l’âge de 14 ans. Le duo passait les nuits à observer les étoiles et les jours à faire des calculs mathématiques. Durant une nuit de novembre 1572, la sœur et le frère ont observé une nouvelle étoile dans le ciel, dans la constellation de Cassiopé. Le phénomène a été visible pendant plus d’un an, période à laquelle ils ont investigué ce nouveau corps céleste. La luminosité de l’objet augmentait autant que le nombre de questions, car, comme se fait-il qu’une étoile bouge alors que les étoiles étaient supposées être fixes?
À l’époque de Sophie Brahe, Galilée n’avait pas encore inventé le télescope (juste en 1609). Mais grâce à l’ingéniosité des Brahes, ils avaient conçu un instrument qui leur a permis de publier un catalogue d’étoiles avec une grande précision. Sophie et Tycho étaient dans les premiers à suivre une méthodologie scientifique. Lorsque Johannes Kepler eut accès à leurs données, il fut en mesure de révolutionner la science avec ses trois lois sur le mouvement des planètes, suivi de la découverte de Isaac Newton et sa théorie de la gravité.
3. Elisabetha Koopman Hevelius, de Pologne
Elisabetha Koopman Hevelius travaillait également chaque jour, et ce, pendant des années, avec son mari Johannes Hevelius, il y a environ 350 ans. Ils ont légué à la science des milliers de calculs qui démontrent la position des étoiles avec leur longitude et latitude. Ce qui est le plus extraordinaire dans leur histoire, c’est qu’ils ont identifié la position exacte de plus de 1500 étoiles, et ce, à l’oeil nu.
4. Caroline Herschel, de l’Allemagne
En 1798, Caroline Herschel, il y a plus de 200 ans, a présenté à la Royal Society des corrections à un catalogue d’étoiles existant ainsi que l’ajout de plus de 500 nouvelles étoiles.
5. Margaret Bryan, de l’Angleterre
Pratiquement la même année, Margaret Bryan publiait un livre destiné à ses élèves du primaire contenant des leçons notamment sur l’astronomie, les lois de Newton, les orbites des planètes, les étoiles et l’Univers.
6. Marie-Jeanne de Lalande, de la France
Marie-Jeanne de Lalande publia quant à elle, les “Tables horaires pour la marine” dans les mêmes années, fruit de ses calculs documentés sur 300 pages et était utilisée pour déterminer le temps en mer grâce à l’altitude du Soleil et des étoiles. Le célèbre astronome Joseph-Jérôme Lalande écrivit à propos d’elle (traduit de l’anglais, p.160) :
« Je crois — écrit Lalande — que ce qui manque aux femmes, ce ne sont que les opportunités d’éducation et les exemples qu’elles peuvent imiter ; on les voit assez se démarquer, malgré les obstacles de l’éducation et des préjugés, pour croire qu’elles ont tout autant de talent que la plupart des hommes qui se font une réputation en Science.”
En 1801, elle avait collaboré au livre “Histoire céleste française” de Lalande, un catalogue d’étoiles de plus de 47 000 étoiles. Pour calculer leurs positions exactes, il faut savoir qu’il y avait trente-six opérations mathématiques par étoile.
7. Les femmes “ordinateurs” de Harvard aux États-Unis
Dans les années 1890, il y a plus de 130 ans, un groupe de femmes travaillait à la Harvard College Observatory et était nommé les “ordinateurs de Harvard”. Grâce à de petites plaques de verre, 8X10, sur lesquelles des photos astronomiques avaient été prises avec un télescope durant la nuit tenaient plusieurs milliers d’étoiles. Patiemment et méthodiquement, les femmes ordinateurs calculaient à la main, la position de chaque étoile, mesuraient leur brillance relative, étudiaient leur changement en fonction du temps, déterminaient le matériel chimique de leur composition. Leur groupe était le première à réaliser que l’univers est en expansion.
8. Cecilia Payne-Gaoschkin, de l’Angleterre et des États-Unis
En 1925, Cecilia Payne-Gaoschkin fut la première femme à obtenir un PhD et c’était à la Harvard University, mais une branche de l’université à l’époque dédiée seulement aux femmes. Dans sa thèse, elle démontrait que les étoiles étaient composées principalement d’hydrogène et d’hélium basé sur une démarche scientifique rigoureuse. Des gens de la communauté de l’époque n’étaient pas convaincus de ses résultats. Un autre homme est arrivé un peu plus tard avec les mêmes résultats et l’attribution de la découverte lui a été remise.
Depuis 1919, le catalogue accepté internationalement est publié par l’International Astronomical Union (IAU) qui compte environ 20 000 membres ayant un PHD ou plus, dont 20% de femmes. Les étoiles les plus brillantes portent un nom et les autres plutôt un code. Avec l’historique des recherches depuis des Lunes, les scientifiques gardent la correspondance entre les différents noms utilisés dans différents catalogues pour parler de la même étoile. Par exemple, Bételgeuse est aussi connue comme Alpha Orionis, HR 2061, BD +7 1055, HD 39801, SAO 113271, et PPM 149643. Voir la liste des noms d’étoiles 2021 par IAU.
Notre étoile à nous, c’est le Soleil qui fait partie de notre système solaire. Dans ce système, il n’y a donc pas d’autre étoile. C’est le corps céleste qui brille et qui nous fournit la vie. Les étoiles ne sont pas fixes, nous l’avons su basé sur l’observation des supernovae. Étant d’énormes nuages de gaz, les étoiles se forment avec la gravitation pour devenir une centrale nucléaire, où l’hydrogène est transformé en hélium. Le processus de fusion peut se dérouler sur des milliards d’années. Il y a des étoiles naines, des géantes et des supergéantes, des rouges, blanches, orangées, bleues, selon leur étape de leur vie et donne ainsi leur niveau de luminosité perçu de la Terre. Une blanche, par exemple, n’a plus de combustible à brûler. La voûte céleste qui entoure notre planète est cataloguée en 88 constellations.
Les plus belles étoiles
Par un petit matin d’été, près du 46e parallèle au Québec, j’observe la position des étoiles avec l’application Night Sky. Je pointe ma tablette vers le ciel — et même sous l’horizon, et je peux voir les objets célestes autour de nous.
Betelgeuse est une étoile super géante rouge qui, selon les scientifiques, devrait bientôt exploser. Elle est située dans la constellation d’Orion, dans l’épaule du personnage qui représente le fils de Poséidon, dieu de la mer. De la Terre, nous voyons sa lumière 1300 ans après son émission. Rigel, une étoile géante bleue dans un système composé de 4 étoiles, est dans la même constellation, mais plus lumineuse que Bételgeuse. Elle est au genou d’Orion.
Si notre système solaire avait Sirius comme étoile, nous aurions 2 soleils. En effet, Sirius est un système binaire d’étoile: Sirius A et Sirius B. Sirius A est la plus lumineuse des deux étoiles et représente l’étoile la plus lumineuse dans notre ciel nocturne. Le système est tout près de notre soleil — seulement à 8.7 années-lumière. La plus proche étoile de notre étoile est Proxima Centuri et sa lumière arrive à nous en 4.22 années. C’est une petite étoile rouge visible seulement au travers d’un télescope et dans l’hémisphère Sud.
Notre étoile polaire, dans l’hémisphère Nord, est située sur l’axe de rotation de la Terre et facilement repérable, grâce à la célèbre constellation de la Petite Ourse. C’est le point de repère depuis des millénaires pour se repérer. Dans l’hémisphère Sud, il n’y a pas “d’étoile du Sud”, il est donc plus difficile de s’orienter grâce à une étoile “fixe”. Il y a 14 000 ans, Vega était notre étoile polaire! Elle le redeviendra dans plus de 10 000 ans. Vega est une étoile bleue, la 5e la plus lumineuse de notre ciel nocturne. Comparée à notre Soleil, Vega est presque 3 fois plus grosse et est à 25 années-lumière de notre étoile.
Conclusion
De l’Antiquité à aujourd’hui, les femmes et les hommes observent les étoiles, fascinés et avides de comprendre l’univers qui nous entoure. Notre estimation actuelle est sur des milliards et des milliards d’étoiles qui entourent notre système solaire, composé d’une étoile — le Soleil — mais nous savons que nous ne voyons pas encore très loin et que l’Univers est en constante expansion (et à l’infini). Pouvons-nous nous inspirer du fonctionnement des centrales nucléaires des étoiles pour créer de nouvelles technologies pour nos moteurs de fusée? Qu’allons-nous découvrir dans nos prochains voyages d’exploration ou grâce aux dernières technologies?
Référence
Histoires de Enheduanna, Sophie Brahe, Elisabetha Koopman-Hevelius, Caroline Herschel, Margaret Bryan, Marie-Jeanne de Lalande, l’histoire de l’astronomie en Mésopotamie, par les arabes, en Grèce et en Égypte tirées de: “The Unforgotten Sisters, Female Astronomers and Scientists before Caroline Herschel, by Gabriella Bernadi, Springer (2016)”